Note du MODEF sur la PAC 2021-2027

Le 8 novembre 2018

UN BUDGET PAC 2021-2027 EN FORTE BAISSE

La commission européenne a présenté le 1er juin 2018 sa proposition législative pour la réforme PAC post 2020 avec une forte baisse du budget PAC, une flexibilité des Etats membres d’utiliser les financements et une dégressivité et plafonnement des aides directes. Pour le MODEF, il est urgent que la France et l’Europe mette en place une Politique Agricole Commune qui sécurise les paysans avec objectifs principaux la souveraineté et la sécurité alimentaire et qu’elles cessent de tuer les exploitants familiaux en ouvrant les marchés aux traités de libre-échange.

Le budget européen en hausse au détriment de la PAC

Pour la première fois depuis la mise en place d’un budget européen à la fin du cadre 2021-2027, la PAC ne sera plus la première politique européenne en volume budgétaire. Le budget européen augmente de 6 % en euro constants 2018 au détriment du budget PAC. La commission européenne a annoncé une enveloppe budgétaire de 365 milliards d’euros pour la période 2021-2027 soit une baisse de 17 % en euros constants 2018 du budget européen et une baisse de 24 % entre 2007 et 2027. La France reste le premier bénéficiaire de la PAC en volume mais elle supportera également une baisse importante de 4,82 % sur la période 2021-2027.

Le MODEF refuse la baisse du budget annoncé pour le monde agricole et rural sachant que sans subvention, 60 % des exploitations auraient un résultat courant avant impôt (RCAI) négatif contre 15 % après prise en compte des subventions. Le MODEF considère que les propositions de la commission sur le budget PAC feront baisser le revenu des paysans. Ramené au citoyen européen, le budget de la PAC équivaut à une dépense de 30 centimes par jour. Pour rappel, l’objectif premier de la PAC visait à assurer des revenus équitables et stables aux producteurs. Certains élevages sont particulièrement dépendants des aides : 86 % des élevages en bovins viande et 77 % des élevages ovins auraient eu des résultats négatifs en l’absence de subventions. En France, les aides directes représentent 46 % du revenu des paysans et elles dépassent 100 % des revenus des élevages bovin et ovin et plus de 40 % des revenus dans les céréales. Hors aides publiques, la valeur ajoutée dégagée par les exploitations agricoles serait négative pour 25 % des exploitations en France et 30 % en Europe.

Flexibilité entre piliers

Phil HOGAN a annoncé « les Etats membres disposeront de plus de flexibilité dans l’utilisation de leurs allocations de financement, ce qui leur permettra de concevoir des programmes sur mesure répondant le plus efficacement aux préoccupations des agriculteurs et des communautés rurales au sens large. » En contrepartie, chaque Etat membre devra proposer et faire valider à la commission « un plan stratégique » avec 9 objectifs communs couvrant toute la période 2021-2027. La France devra proposer des mesures sur « assurer un revenu équitable aux agriculteurs », « accroître la compétitivité », « améliorer le fonctionnement de la chaîne alimentaire », « action contre le changement climatique », « préserver l’environnement », « préserver paysages et biodiversité », « renouvellement générationnel », « dynamisme des zones rurales » et « répondre aux attentes sociétales (alimentation, santé et qualité) ». Le France devra notamment consacrer au moins 30 % de son budget de développement rural à des mesures environnementales et climatiques. A l’échelle européenne, 40 % du budget global de la PAC devrait contribuer à l’action climatique.

Les Etats membres peuvent transférer jusqu’à 15 % de leurs allocations de la PAC entre les paiements directs et le développement rural et vice-versa afin de garantir les priorités de chaque Etat membre. En plus de la possibilité de transférer 15 % entre les piliers, les Etats membre auront également la possibilité de transférer 15 % supplémentaires du 1er pilier au 2e pilier pour les dépenses relatives aux mesures climatiques et environnementales.

Pour le MODEF, la prochaine PAC doit remettre au cœur l’objectif de dégager un revenu pour les exploitants familiaux par des prix agricoles rémunérateurs, une régulation des marchés et une maîtrise des productions. Sans paysan, il n’y a pas d’alimentation. Aux prix agricoles volatiles et souvent trop bas doivent succéder des prix justes garanti par l’État, qui permettent aux paysans de vivre dignement de leur travail et de retrouver confiance dans l’avenir de leur métier. Le syndicat des exploitants familiaux exige une répartition des aides vers les petites et moyennes exploitations notamment par une augmentation de l’enveloppe nationale du paiement redistributif.

Dégressivité puis plafonnement des aides directes

La commission propose une réduction des paiements à partir de 60 000 € et plafonnement des paiements directs supérieurs à 100 000 € par exploitation. Les coûts de main-d’œuvre seront pleinement pris en compte. Le MODEF exige un plafonnement obligatoire des paiements directs, qui prend en compte le travail à 75 000 € par actif avec la mise en place d’une dégressivité à partir de 50 000 € par actif. Le MODEF craint que la mesure annoncée par la commission favorise les grosses exploitations notamment les exploitations qui emploient beaucoup de main d’œuvre salariale. Pour éviter les dérives, le MODEF propose que la transparence des GAEC soit prise en compte dans les coûts de main d’œuvre et que la masse salariale soit plafonnée à 1 salarié (e) par exploitation.

Les Etats membres pourront allouer un maximum de 10 % de leurs paiements directs au soutien du revenu couplé (les aides couplées liés aux productions) avec un supplément de 2 % pour soutenir les cultures de protéines.

Concernant les aides couplées pour la période 2014-2020, l’enveloppe budgétaire était de 15 % au lieu de 12 % pour la période 2014-2020. Les exploitations d’élevage vont être impactées directement par cette baisse de 3 % des aides couplées sachant que les éleveurs ont les plus faibles revenus agricoles. Le MODEF tire la sonnette d’alarme et exige une obligation d’orienter les aides en faveur de l’élevage et le maintien de l’enveloppe à 15 %.

Les Etats membres devront mettre de côté au moins 2 % de leurs allocations de paiements directs pour aider les jeunes agriculteurs à s’installer. Le MODEF avait défendu lors de la dernière PAC 2014-2020, une enveloppe nationale à 2 % (actuellement 1 %) afin de favoriser l’installation de jeunes sur les territoires sachant que le nombre d’installations en 10 ans a chuté de 26 % en France.

Un nouveau système appelé « Eco-scheme », financé par les allocations nationales de paiements directs, sera obligatoire pour les Etats membres, bien que les agriculteurs ne soient pas obligés de les rejoindre. Ces éco-systèmes devront aborder l’environnement de la PAC et les objectifs climatiques. Un exemple pourrait être un éco-système pour financer l’utilisation zéro engrais afin d’améliorer la qualité de l’eau.

Les Etats membres seront également en mesure d’offrir aux petits agriculteurs une somme ronde par an. Il appartiendra à chaque Etat membre de définir comment classer les petits agriculteurs car le secteur agricole de chaque pays est différent. Le MODEF se félicite de cette mesure et d’ailleurs il avait contribué pour la mise en place de la surprime des 52 premiers hectares lors de la dernière PAC. Sous la pression de la FNSEA, l’enveloppe du paiement redistributif est bloqué à 10 % soit 52 €/ha au lieu de 20 % en 2018 soit 104 €/ha. Défendant l’emploi et le maintien d’un maximum d’exploitation familiale en France, le MODEF sera vigilant afin que ce « soutien au revenu redistributif » soit destiné aux petits et moyens exploitants.

Les Etats membres peuvent consacrer jusqu’à 3 % de leur budget du premier pilier à des interventions sectorielles. Ces programmes aideront les producteurs qui se regroupent par le biais d’organisations de producteurs à prendre des mesures communes en faveur de l’environnement ou à favoriser une meilleure position dans la chaîne alimentaire.

Les propositions de la Commission Européenne sur la PAC

Le MODEF poursuivra son combat pour obtenir une redistribution des aides plus équitables afin de majorer celles des petites et moyennes exploitations et contrer l’action de lobbying menée par l’agro-finance et soutenue par les syndicats majoritaires. Ces derniers étant opposés à toutes mesures qui réduiraient le montant des aides perçues par les grosses exploitations.