Sécuriser le foncier pour les exploitants familiaux

La FNSAFER a publié le 23 mai 2019 son rapport annuel sur les marchés fonciers ruraux 2018. Cette étude est très inquiétante avec une hausse de 10 % des surfaces urbanisées, une hausse annuelle de la surface moyenne par exploitation au détriment des petites et des moyennes et un prix des terres élevé à 5 990 €/ha en moyenne.

Le MODEF tire la sonnette d’alarme. Entre 2000 et 2016, un quart des exploitations agricoles a disparu et aujourd’hui un quart des chefs d’exploitations a plus de 60 ans. Il est urgent que le gouvernement prenne à bras le corps la question du foncier agricole car les exploitations sont devenues intransmissibles et le modèle de l’Agriculture familiale risque de disparaitre. L’urbanisation et la spéculation rendent le foncier de plus en plus inaccessible aux jeunes et aux exploitants familiaux. Dans les années qui viennent, prenons garde à ce que notre pays ne devienne pas un désert agricole, comme dans le reste du monde, où de grands groupes, directement liés au complexe agro-industriel, considèrent la terre comme un nouveau placement financier.

1. L’artificialisation des terres

Pour le MODEF, il faudrait stopper l’artificialisation des terres agricoles (extension de l’habitat, des routes, des parkings) qui grignotent chaque année environ 50 000 à 60 000 hectares de terres agricoles, soit l’équivalent de la surface agricole moyenne d’un département en 4 années ! Les terres agricoles ont perdu 6,9 % de leur surface en trente ans soit environ 2 millions d’hectares. Le MODEF affirme que ces pertes de surfaces agricoles ne sont pas acceptables et tout doit être mis en œuvre pour stopper cette érosion afin de préserver la biodiversité et limiter les gaz à effet de serre. L’implantation des énergies renouvelables grignote également des terres agricoles comme par exemple la mise en place d’une éolienne : c’est plus de 2 000 m2 de terrain ! Le MODEF n’est pas opposé aux énergies renouvelables mais il souhaiterait que celles-ci soient localisées dans des friches industrielles (zone abandonnée, terrain militaire …).

En France, de nombreux terrains agricoles sont laissés à l’abandon et sans entretien. Les friches agricoles présentent un vrai risque en cas de feu de forêt, elles s’enflamment très vite. Aujourd’hui, dans le Lot et Garonne il est recensé 13 000 hectares de friches agricoles. Idem pour le département de l’Aude mais le Préfet du département a lancé depuis un an une lutte contre ces friches. Le MODEF souhaite que les friches agricoles soient réhabilitées en terre agricoles et que la spéculation foncière soit stoppée, première cause de développement des friches dans les territoires.

2. En matière de lutte contre la concentration des terres agricoles

 Le MODEF souhaite alerter le gouvernement sur l’arrivée massive des capitaux extérieurs qui investissent le foncier agricole. Prenons l’exemple du groupe chinois qui a acheté 1 700 hectares de terres agricoles dans le Berry en 2016. Cette entreprise a contourné les lois sur le contrôle des structures, contourné les lois fiscales et sociales en opérant un montage sociétaire (société agricole) et a racheté 98 % des parts sociales détenues dans une société d’exploitation agricole. Ces sociétés séparent le foncier, les bâtiments, le matériel, le travail, la commercialisation en créant pour chaque secteur une société différente sous l’égide d’une société mère qui prend la forme d’une holding financière. L’agriculture rentre de plain-pied dans un capitalisme sans foi ni loi, de recherche du profit maximum dans un minimum de temps. De plus en plus d’héritiers de propriétaires exploitants refusent de mettre leurs terres en fermage et font le choix de les faire travailler par une entreprise de travaux agricoles qui assure les travaux sous forme de prestation de service ; les aides PAC assurant une rente aux propriétaires et la vente de récolte payant la prestation de service.

Pour le MODEF, la terre doit rester prioritairement au service de la souveraineté alimentaire et ne doit pas devenir un objet de spéculation et de rente. Il s’avère impératif que sa fonction de production agricole puisse rémunérer le travail de celui qui exploite la terre, quel que soit son mode de faire valoir propriétaires exploitants ou fermiers exploitants. Au fil des années de nouvelles formes de sociétés se sont créées pour constituer de grosses exploitations. Il ne s’agit pas là de partager le travail, préserver le patrimoine familial, améliorer les conditions de travail, mais de contourner les lois sur le contrôle des structures. La multiplicité de ces sociétés garantit derrière l’absence de transparence, l’expansion sans limite, y compris en dehors des frontières, un niveau d’impôts et de charges sociales à minima.

Dans le cadre des débats sur la loi d’avenir, le MODEF a fait des propositions innovantes et efficaces pour un renforcement de la politique de contrôle des structures. Si la loi donne des outils pour contrôler et limiter les agrandissements, elle n’a malheureusement pas bougé sur la question du prix des terres agricoles. Le MODEF demande que la loi encadre les prix des terres agricoles de sorte qu’ils soient en corrélation avec le revenu agricole qui peut être dégagé sur ces terres. Le MODEF revendique que le contrôle des structures puisse intervenir sur toutes les transactions foncières. Il demande que la SAFER puisse préempter même si les 100 % de parts sociales ne sont pas vendues.

3. Concernant la transmission des exploitations

L’installation en Agriculture constitue la base d’une transmission réussie. Or, le fonctionnement actuel nécessite des améliorations pour accompagner le cédant et intégrer un jeune.

La transmission des exploitations se heurte à un investissement de départ trop élevé. Il existe une réelle difficulté de transmissibilité des exploitations compte tenu du capital mobilisé dès l’installation. Les agrandissements à outrance ont conduit à des exploitations difficilement transmissibles, par leur prix de vente exorbitant, laissant le champ libre aux grosses sociétés et spéculateurs divers. Preuve que le système ultralibéral n’est pas applicable en Agriculture.

L’accès au foncier constitue un frein majeur à l’installation. Il n’y a pas d’adéquation entre l’offre et la demande de reprise d’exploitation. Or, le constat est aujourd’hui à l’échec avec la disparition de 25 % des exploitations, un vieillissement inquiétant de la population agricole et une course au foncier avec une concentration des exploitations.

Pour favoriser l’installation de jeunes, le MODEF propose que les communes ou communautés de communes puissent mener des opérations de partage du foncier en associant tous les syndicats paysans. Le MODEF se bat pour que les SAFER puissent rétrocéder les terres préemptées, sous forme de location-vente, à des jeunes qui souhaitent s’installer. Mais pour assurer sa mission, elle doit être dotée de moyens qui lui permettent de stocker des terres en vue d’une rétrocession à un jeune. Les SAFER doivent par ailleurs être dotées de moyens juridiques et financiers en bannissant leur rôle d’agent immobilier. Le MODEF propose également que les jeunes qui s’installent puissent bénéficier d’une exonération totale de la taxe sur le foncier bâti et non bâti pendant 5 ans et une exonération totale sur les droits de succession lors d’une installation agricole.

Pour le MODEF, la terre doit rester prioritairement au service de la souveraineté alimentaire et ne doit pas devenir un objet de spéculation et de rente. Il s’avère impératif que sa fonction de production agricole puisse rémunérer le travail de celui qui exploite la terre, qu’il soit propriétaire exploitant ou fermier exploitant.