Un Congrès est un moment très important dans la vie et le fonctionnement d’une organisation syndicale.

C’est l’occasion de faire le point sur la situation générale des exploitants familiaux que nous représentons et défendons, de faire le bilan des trois années passées, en ce qui nous concerne au niveau du MODEF.

La situation générale évolue très vite au niveau économique et sociale, l’Agriculture n’échappe pas à la règle. En ce moment, avec la loi sur les États Généraux de l’Alimentation et la future réforme de la PAC, nous sommes sans doute le secteur professionnel qui connaît les plus grosses turbulences.

Notre Congrès d’aujourd’hui tombe à point nommé pour que le MODEF prenne toute sa place dans ces débats et les décisions qui vont être prises. D’autant plus que 2019 est l’année du 60eme Anniversaire du MODEF, c’est un événement majeur pour notre syndicat et cela donne encore plus d’importance à ce Congrès sur le plan du symbole historique mais aussi sur le parcours syndical exemplaire du MODEF depuis ses débuts.

Dans le panel des organisations syndicales agricoles, le MODEF occupe une place importante depuis sa création le 7 avril 1959, c’est le seul à défendre les petits et moyens paysans, appelés communément exploitants familiaux.

Nous revendiquons haut et fort des prix planchers, rémunérateurs garantis par l’État dont nous sommes porteurs depuis 60 ans et qui sont, aujourd’hui, plus d’actualité que jamais. D’ailleurs nous avons constaté que les autres syndicats pendant la campagne des élections Chambres d’Agriculture reprenaient notre mesure phare des prix rémunérateurs et depuis les élections ils sont restés muets.

Aujourd’hui, même si les agriculteurs ne représentent plus que 2,8 % de la population active, les citadins sont très attachés à leur Agriculture, à la fois pour des raisons sentimentales (les paysans représentant le lien avec la nature et la ruralité) mais aussi pour une alimentation de qualité car la nourriture est essentielle aux êtres humains.

L’exploitation familiale à taille humaine est la seule forme d’organisation sociale de la production à même de pouvoir répondre à l’ensemble des besoins et des exigences des consommateurs français.

En 60 ans, le nombre d’exploitations agricoles françaises est passé de 3 millions à 450 000 et le nombre d’exploitants continue de diminuer, ils ne sont plus 495 000 soit une baisse de 21 % en seulement 10 ans.

L’Europe et le Gouvernement MACRON ont fait le choix de défendre les intérêts de la finance liés aux firmes de l’Agriculture au détriment des paysans et de l’ensemble de la population en soutenant l’industrialisation de l’Agriculture et en considérant les produits alimentaires comme de simples matières premières.

Les importations abusives à des prix défiant toute concurrence et la pression à la baisse continuelle des prix agricoles en France, commencées avec le Marché Commun et se sont accentuées avec Bruxelles et Paris dans le but de faire disparaître les petites et moyennes exploitations.

I. L’évolution de l’Agriculture Française

De la seconde moitié du 19ème siècle à la veille de la première guerre mondiale, l’Agriculture est en effet le premier secteur économique, le premier pourvoyeur d’emplois : plus de 40 % de la population active contre seulement 16 % en Allemagne. Juste avant le conflit de 1914-1918 la population rurale est encore majoritaire. La guerre empêche une production agricole régulière et entraîne des privations alimentaires pour la population. Cette conjoncture oblige la France à desserrer son dispositif protectionniste et à importer massivement des céréales en provenance des États-Unis.

Le déséquilibre agricole se prolongera jusqu’à la fin des années 30. En France, l’épisode de pénurie va se reproduire durant la seconde guerre mondiale. Au traumatisme de la défaite de 1940, s’ajoutent les difficultés à se nourrir. Beaucoup y voient le signe que le processus de modernisation des structures agricoles et de l’outil de production, engagé en 1936 sous le Front Populaire, doit être réactivé au plus vite, pour dégager les moyens nécessaires à une hausse de la productivité.

La priorité de l’après-guerre est de nourrir la population, le défi est gigantesque. La désorganisation des circuits économiques doit être stoppée. L’État tente de s’appuyer sur l’Office National Interprofessionnel des Céréales (ONIC), successeur de l’Office National Interprofessionnel du Blé (ONIB), créé en 1936, pour que le pain soit distribué dans de meilleures conditions. Il faut attendre février 1949 pour que le rationnement du pain soit levé mais la couverture des besoins continue d’être assurée par le recours aux importations agricoles et alimentaires jusqu’au début des années 1950. Le premier plan de modernisation de l’Agriculture est établi en 1946, plus connu sous le nom de plan MONNET. Il est centré sur le développement du progrès technique, de l’enseignement et de la vulgarisation agricole.

Les années d’après-guerre seront pour la France l’apprentissage de la croissance économique. Il s’ensuit une avalanche de performances économiques dont les plus symboliques restent l’élévation du rendement du blé, qui passe de moins de 30 quintaux à l’hectare en 1960, à 80 dans les années 2000, la hausse du rendement laitier puisque l’on part d’une moyenne de 2 000 litres par vache en 1960 pour atteindre plus de 6 000 litres au début de la décennie 2000.

La première application de la PAC en 1962 était d’accroître la production agricole dans le but d’atteindre et de préserver la sécurité des approvisionnements alimentaires dans les pays membres. La PAC entre dans une phase active dès le milieu des années 60. Les progrès accomplis en matière de production débouchent très vite sur la formation des premiers excédents vers les pays tiers, leur écoulement sur le marché communautaire s’effectuant sans barrières commerciales.

Si depuis les années 1980, il n’est question que de démantèlement des politiques agricoles, de libéralisation des échanges commerciaux de produits agricoles et alimentaires, il convient de souligner le virage capitaliste pris par l’Europe avec la PAC. Dans les années 90, les régions agricoles se sont spécialisées en céréales, en élevage, en élevage hors-sol, en cultures spécialisées (vignes, fruits, cultures maraichères …). On retrouve aujourd’hui deux agricultures avec une production industrielle à bas coût et une autre faite d’exploitations familiales attachées à leurs produits, modèle que le MODEF défend.

L’Agriculture ultra-productiviste a des effets très néfastes sur l’environnement et la santé des êtres humains notamment sur l’eau, l’alimentation, etc. Le MODEF depuis toujours défend une Agriculture familiale qui tient compte des Hommes, des territoires, du sol et aux attentes alimentaires des consommateurs. Le MODEF encourage une Agriculture plus durable, raisonnée, biologique et de qualité bénéficiant des labels et des appellations.

Certaines régions agricoles sont très bien intégrées aux marchés européens comme le bassin parisien avec les céréales, la Bretagne avec l’élevage intensif ou encore le vin pour la région bordelaise et cognaçaise. Cette Agriculture est directement en relation avec le secteur industriel et la demande mondiale, ce sont des agri-managers. Cependant, ils doivent faire face à la concurrence de certains pays comme la Russie ou l’Ukraine. Les vins français sont également concurrencés par les vins espagnols avec des coûts de production inférieurs à ceux des viticulteurs français.

Même si la France reste un des principaux producteur européen, le nombre d’exploitations est en déclin depuis plusieurs décennies. Depuis 2010, l’Agriculture française a perdu 26 % de ses exploitations notamment des petites. La France reste le 1er pays européen en termes de surface utile avec un peu plus de 25 millions d’hectares cultivés.

Depuis plusieurs années, l’Agriculture française subit une crise sans précédent. Elle n’est pas conjoncturelle mais structurelle : elle est le fruit d’une politique agricole libérale qui nous emmène dans l’impasse. Aujourd’hui, la moitié des agriculteurs ont des revenus à 360 €/mois en travaillant 7 jours sur 7 et 365 jours par an.

La mondialisation des échanges agricoles sur fond de dérégulation des marchés accroît considérablement les difficultés des paysans français. Dans un monde impacté par le réchauffement climatique, il devient urgent de réguler les productions et de développer une Agriculture respectueuse des Hommes et de l’environnement.

Face à ce constat, le MODEF va essayer de répondre aux différentes questions : Quelle Agriculture veut-on ? Pour remplir quelle mission ? Avec combien d’exploitants ? Avec quelle conduite d’exploitation ? Avec quels financements ? Avec quelle rémunération des exploitants ? Face à la mondialisation, quels modèles agricoles veut défendre le MODEF ?

II. Un revenu à 1 800 €/mois

Le MODEF s’est créé sur la demande d’un prix rémunérateur garanti par l’État. Aujourd’hui tous les syndicats reprennent cette revendication. Pour autant chacun l’ajuste à son idéologie. Il est donc important de comprendre pourquoi et comment le MODEF souhaite mettre en place une politique du prix et non de l’offre, afin de ne pas se fourvoyer dans des revendications qui semblent demander un meilleur prix mais ne le font pas réellement.

Si le MODEF demande des prix agricoles rémunérateurs c’est que c’est l’unique source de revenu des exploitations familiales qui sont garantes de la vie de nos territoires. Contrairement aux exploitations que nous défendons, certains systèmes agricoles vivent grâce à la spéculation foncière ou boursière et peuvent aussi dégager un revenu important sur des productions annexes à la production agricole : photovoltaïque, méthanisation, biocarburants …

Ces revenus annexes sont devenus, de fait, les principaux revenus de certaines exploitations.

Il est alors facile de comprendre pourquoi certains, voyant dans ces systèmes un avenir pour le monde agricole, ne défendent pas des prix agricoles rémunérateurs du travail paysan.

L’histoire récente des prix agricoles nous montre que les acteurs économiques de la filière n’ont pas intérêt à des prix agricoles qui rémunèrent le travail. Les collecteurs, transformateurs et distributeurs ont pour unique objectif l’augmentation de leur marge propre sans se soucier des autres acteurs en place. Les derniers cycles de négociations entre les Industries Agro-Alimentaires (IAA) ont montré que le plus fort veut toujours baisser son prix d’achat et augmenter son prix de vente. Même les coopératives, mises en place par les agriculteurs pour améliorer leur prix de vente, sont souvent aujourd’hui des acteurs qui favorisent aussi la baisse des prix agricoles.

Le système capitaliste basé sur une économie de marché vise à concentrer les capitaux, il est donc utopique de penser que le marché peut réguler la situation et aboutir un jour à des prix rémunérateurs pour l’Agriculture.

Seule l’intervention du politique peut rééquilibrer cela.

C’est pour cela que le MODEF insiste : il faut une régulation de l’État dans le marché agricole, secteur vital pour l’indépendance alimentaire et la souveraineté de notre pays.

Trois mesures principales sont essentielles pour assurer une rémunération de l’agriculteur, seul acteur de la filière agro-alimentaire qui ne vit pas de son métier.

  • Définir un prix plancher, qui prend en compte les coûts de production et le travail paysan, pour payer un juste prix aux agriculteurs. L’Observatoire des prix et des marges est un acteur en capacité de définir cela. Les centres de gestion peuvent eux aussi fournir les données nécessaires.
  • Mettre fin à l’importation des produits traités avec des molécules interdites en France pour assainir le marché international et national. Les échanges commerciaux et la concurrence sont intéressants s’ils se font sur un pied d’égalité. Autoriser des produits qui ne respectent pas nos normes est destructeur et dangereux pour le consommateur.
  • Encadrer les marges des acteurs de la filière Agro-Alimentaire avec la mise en place d’un coefficient multiplicateur pour assainir les relations au sein de la filière. La loi alimentation de 2019 a fait un premier pas en encadrant les marges trop basses des distributeurs qui visent à casser les prix de certains produits pour attirer le consommateur. Il faut maintenant plafonner les marges.

D’autres mesures d’accompagnement doivent venir consolider ces trois mesures phares, notamment l’encadrement des volumes au niveau européen, seul moyen de ne pas revivre les stockages excessifs en beurre, lait en poudre, etc.

Le MODEF propose aussi de s’appuyer sur les aides PAC pour augmenter le revenu des petites exploitations. Il faut notamment que la surprime PAC aux 52 premiers ha soit augmentée pour atteindre les 30 % permis par la commission européenne. Ceci est une mesure qui impacterait positivement le revenu agricole.

En garantissant des prix agricoles rémunérateurs, on redonne aux exploitations familiales, une perspective d’avenir pour une Agriculture durable écologiquement, économiquement et socialement efficace.

La mise en application de ces mesures est de nature à favoriser le renouvellement des exploitations familiales par le revenu agricole.

III. L’Agriculture face au changement climatique

Sur ces 30 dernières années, une augmentation des températures moyennes d’environ 2°C est avérée pour la plupart des régions françaises.  Selon les scénarios, entre 2° et 6°C de hausse des températures moyennes sont à prévoir à la surface du globe entre 2050 et 2100. Certaines régions du monde, d’Europe et de France, aux climats actuellement favorables à l’Agriculture risquent de subir des météos de moins en moins propices. En revanche des terres nordiques autrefois incultivables vont pouvoir être exploitées à des fins agricoles.  Autre grande inconnue, l’évolution des pluviométries moyennes vont-elles augmenter ou baisser, avec quelle fréquence et intensité ? Sous nos climats la fréquence des épisodes, si elle ne se réduit pas, se concentre de plus en plus souvent en saison hivernale et printanière, provocant des étés et des automnes de plus en plus secs, problématiques les pires années.

Des inquiétudes en ressortent, les réserves d’eau sont-elles suffisantes pour permettre à nos cultures de perdurer. L’Agriculture risque d’être de plus en plus dépendante de l’irrigation, y-aura-t-il assez d’eau pour tous ses autres usages et sur tous les territoires ?  Ces dernières années des limites sont déjà observables sur nos systèmes d’exploitation :

  • Les problématiques de la production des fourrages et prairies.
  • Les problématiques variétales : il y a besoin de développer des variétés plus résistantes au pathogènes (ex : cépages résistants au mildiou et à l’oïdium), ou de sélectionner des espèces mieux adaptées aux fortes chaleurs et plus économes en eau.
  • Apparition ou développement récent d’espèces végétales et de ravageurs invasifs.
  • Évolution ou disparition de certains écosystèmes indispensables pour les espèces auxiliaires.
  • Des évolutions seront aussi nécessaires en termes d’adaptation des pratiques ou de changements variétaux pour rester dans des goûts connus (avec notamment l’exemple de nos vins). Rechercher des variétés avec moins de sucre et moins d’acidité ou revoir les précocités de certaines variétés.
  • À contrario des espèces jusque-là difficilement cultivables le seront peut-être dans quelques décennies.

Avec toutes ces interrogations, le besoin d’adaptation de nos modèles actuels semble imminent ? Quels modèles agricoles durables pouvons-nous imaginer : à la fois rémunérateurs, respectueux de l’environnement, et suffisamment productifs pour nourrir nos concitoyens ? Quelles revendications imaginer pour encourager une transition plus vertueuse de l’Agriculture, et non livrée à elle seule face au marché mondial ?

La part de responsabilité d’une agriculture intensive et mondialisée dans le réchauffement climatique :

Parmi les pollutions induites par le système économique actuel, l’Agriculture, toutes productions confondues, génère plus de 20% des émissions mondiales de Gaz à effets de serre. Force est de constater que l’intensification à outrance de nos productions agricoles, conséquence d’une mondialisation sauvage, participe au réchauffement climatique global, au même titre que l’industrie, et les transports. Si l’Agriculture et tout particulièrement l’élevage sont trop souvent désignés comme coupables par les médias, l’on oublie trop souvent que l’Agriculture familiale diversifiée, son rôle positif dans l’absorption du Co2 et le maintien d’écosystèmes favorisant la biodiversité. La dépendance de l’Agriculture aux énergies fossiles et leur raréfaction doit également nous interroger. La recherche de pratiques agricoles plus économes en énergie rajoute un défi supplémentaire à l’urgence climatique. Malgré tout, de nombreuses voies d’amélioration sont possibles et les agriculteurs ont leur rôle à jouer, autant que nos gouvernements et nos concitoyens.

Le rôle de l’Agriculture dans la préservation de la biodiversité et la limitation des GES :

À titre d’exemple, une prairie entretenue et pacagée compense 80% des Gaz émis par les vaches qu’elle participe à nourrir. Les systèmes de polyculture – élevages ou les territoires agricoles diversifiés, plus résilients, sont les plus à même de relever le défi de la réduction des GES. Les exploitations agricoles à échelle familiale sont les seules à pouvoir concilier diversité, respect de l’environnement et productivité.

Pour peu que résistent nos terroirs et nos productions traditionnelles, les exploitants familiaux jouent un rôle non négligeable dans le maintien de nos écosystèmes et de la biodiversité. L’entretien des espaces boisés, des haies, des prairies permettent le captage de quantités formidables de CO2, et les potentiels des améliorations en ce sens sont nombreux : avec les techniques simplifiées, l’autonomie alimentaire des élevages, le développement de l’agroforesterie etc…

L’exploitant ne devrait jamais être livré à lui-même en cas de transition ou de modification importante de son modèle de production. Toute évolution majeure a une incidence sur l’exploitation, et peut menacer lourdement sa situation financière. Dans le contexte actuel les risques sont nombreux, et toute évolution ne pourrait être positive si l’agriculteur se retrouve seul à les affronter. Le MODEF en tant que syndicat progressiste se doit d’encourager toutes les alternatives qui peuvent participer à l’émergence d’Agricultures durables à plus ou moins long terme.

IV. Accompagner les paysans vers de nouvelles pratiques agricoles

Il reste beaucoup de chemin à parcourir si nous voulons entrevoir un jour une Agriculture rémunératrice, pourvoyeuse d’emploi, respectueuse de l’environnement, et suffisamment productive pour nourrir les peuples. Après la Seconde Guerre mondiale, le besoin pressant de produire toujours plus de nourriture avec moins de bras s’est vu soutenu massivement par les États et la toute jeune communauté européenne.
Aujourd’hui les transformations que la société attend du monde agricole ne sont portées par aucune visée politique ou gouvernementale à long terme, ni à l’échelle de la France, ni à l’échelle de l’U.E. Alors que nous sommes à une période de l’histoire déterminante pour l’Agriculture et l’humanité, nous faisons le constat que les objectifs fixés par l’UE ou la France ne sont pas à la hauteur des enjeux, quand ils ne sont pas complétement absurdes.

Les prix agricoles ne sont également pas à la hauteur : nous ne pouvons pas produire de manière toujours plus vertueuse pour toujours moins cher. L’agroécologie, l’Agriculture Biologique, l’Agriculture de conservation des sols…, deviennent de réelles alternatives, mais encore trop souvent les centrales d’achat imposent des prix trop faibles qui ne valorisent pas la qualité de ces pratiques.

Nous ne pourrons compter sur la loi du Marché pour favoriser les formes d’Agriculture durable à échelle humaine. En conséquence, le MODEF continuera de prôner des outils de régulation des volumes et des prix à l’échelle européenne et française. Par ailleurs, il semble indispensable de revendiquer un certain nombre de mesures en faveur d’un accompagnement public de qualité pour répondre aux besoins d’évolutions de nombreuses exploitations. Exigeons plus de moyens humains et financiers pour une recherche publique forte.

Des formations agroécologiques, ou sur tous sujets visant une amélioration des pratiques doivent être rendus accessibles au plus grand nombre. Sur le modèle de la conversion en Agriculture Biologique, certaines pratiques agroécologiques non reconnues auraient toute leur place, pour prétendre à des aides temporaires afin de passer le cap des années de transition. Le conseil technique en matière d’usage de produits phytosanitaires gagnerait à être plus indépendant des fabricants et des revendeurs, dans l’intérêt de l’agriculteur.

Le MODEF soutient également toutes les alternatives de débouchés locaux qui permettent aux exploitants familiaux de vivre correctement de leur métier. Dans ce cas encore, il nous faut être formé à des compétences diverses qui dépassent la seule Agriculture, et nous avons besoin d’être accompagnés pour avancer. Enfin encourageons aussi la coopération sous toutes ces formes (coopératives, CUMA, GIE, réseaux). C’est en collaborant entre agriculteurs et avec d’autres professionnels, techniciens, ingénieurs / chercheurs que nous parviendrons à imaginer les solutions pertinentes pour faire face aux défis auxquels nous sommes confrontés.

V. L’installation, un enjeu majeur pour notre organisation

Le MODEF s’est construit sur une idée forte : permettre aux agriculteurs de vivre de leur métier à travers un prix rémunérateur. Cela a pour but la durabilité des exploitations et leur transmissibilité. Cette revendication d’un prix rémunérateur n’a de sens que pour permettre aux exploitations familiales d’être encore présentes dans le paysage rural dans de nombreuses années. Rappelons que ces exploitations sont plus performantes socialement, environnementalement et économiquement que les exploitations « usines » hyperspécialisées.
L’installation agricole est donc au cœur même de cette revendication du prix. Le MODEF porte la transmission des exploitations et l’installation de nouveaux agriculteurs comme indissociables de tout projet agricole, au niveau national ou européen. C’est une problématique majeure et un défi pour le maintien des agriculteurs dans nos campagnes, pour stopper la désertification rurale.
Une fois position prise, il faut mettre en place de réelles mesures pour une politique volontariste d’installation. Connaissant aujourd’hui les difficultés des personnes ayant un projet d’installation ainsi que les freins qui pèsent sur la transmission des exploitations agricoles, le MODEF propose des mesures fortes.

L’accès au foncier est l’un des plus gros freins à l’installation, le MODEF demande donc :

  • Un contrôle des structures qui met fin aux agrandissements sans limite via un renforcement des moyens des SAFER, notamment la possibilité d’intervenir sur les ventes de parts sociales de structures possédant du foncier agricole.
  • Une révision du fonctionnement des SAFER pour dissocier leur financement et les ventes de terres agricoles. Les SAFER ne sont pas des agences immobilières, elles remplissent une mission de service public.

Le maintien d’un revenu décent durant les 5 premières années de l’installation est crucial pour le renouvellement des générations, le MODEF demande donc :

  • Une politique d’aide au revenu notamment durant les 5 premières années suivant l’installation,
  • Le retour à des prêts bonifiés à 0 % lors de l’installation des jeunes agriculteurs,
  • Une politique d’assouplissement des règles permettant d’obtenir les aides à l’installation en repoussant la limite d’âge.

Le parcours à l’installation et à la transmission peut être difficile pour une personne ayant un projet ou pour le cédant, le MODEF propose donc :

  • Une politique d’accompagnement des cédants pour favoriser la transmission,
  • Une politique démocratique et transparente du Point Accueil Installation, dans la continuité du travail engagé en 2017,
  • La révision des programmes scolaires agricoles et généraux afin de présenter toutes les formes d’Agriculture et favoriser des projets d’installations.

VI. Une vie sociale décente

En juin 2017, la MSA dénombre 254 000 dépôts de demandes de primes d’activité contre 153 000 dépôts recensés en juin 2016. En 2018, 3 560 agriculteurs ont obtenu l’aide au répit en situation d’épuisement professionnel. Entre 2007 et 2011, près de 781 agriculteurs ont mis fin à leurs jours soit un tous les deux jours. Le monde agricole et notamment les jeunes sont en souffrance, nombre d’entre eux et particulièrement les éleveurs sont dans l’incapacité de dégager un revenu pour faire vivre leur famille.

Dans un contexte de crises multiples qui impacte fortement la situation psychologique des paysans, le MODEF appelle à la plus grande vigilance auprès des pouvoirs publics afin d’assurer les paiements des aides dans les délais annoncés, réduire la pression des contrôles et veiller à ce que tous les opérateurs impliqués (DDT, MSA, banques, fournisseurs…) assurent leurs missions dans le respect des agriculteurs.

Le MODEF demande la simplification du dossier administratif de la Prime d’Activité et du RSA. Nous souhaitons que les demandes soient traitées dans un délai d’une semaine afin que les exploitants puissent bénéficier de ces mesures sociales.

Le Ministère de l’Agriculture alloue à la MSA depuis 2016 une enveloppe exceptionnelle de 4 millions d’euros pour l’aide au répit. Cette aide existe pour les exploitants agricoles qui se retrouvent en situation de burn-out ou d’épuisement professionnel. Avec cette aide, les exploitants bénéficient de 10 jours de remplacement afin de se reposer ou de partir en vacances.

Le MODEF revendique le maintien de ce dispositif pour 2019 avec un budget revalorisé.

Le dispositif Agri ’Écoute a été créé en octobre 2014 par la MSA dans le cadre de son plan de prévention du suicide en Agriculture, ce service d’écoute téléphonique de la MSA accessible 24h/24h et 7j/7, permet à tout adhérent MSA de dialoguer anonymement, à tout moment, week-end et nuit compris avec des psychologues.

Pour le MODEF, il est indispensable de maintenir ce dispositif et garder des caisses de proximité pour organiser des cellules de prévention dans les départements. Le MODEF exige que les consultations psychologiques soient financées et prises en charge en intégralité par la MSA pour les personnes en détresse.

Pour le MODEF la santé n’a pas de prix. Il est de la responsabilité de l’État de garantir l’égal accès à la santé pour tous. En réduisant les dépenses publiques de santé les gouvernements successifs ont instauré une santé à 2 vitesses et enrichi les assurances complémentaires privées.

Il est urgent de mettre fin à ce scandale de la marchandisation de la santé.

Le MODEF demande la mise en place d’une cotisation sociale minimale de
1 000 € pour les exploitations en crise afin qu’ils puissent conserver leurs droits sociaux à moindre coût.

Deux tiers des Français partent en vacances en moyenne chaque année. Mais pas facile quand on est agriculteur, quand on doit s’occuper tous les jours de ses animaux et de ses champs. Un service de remplacement et des aides financières existent pour les aider à prendre des congés mais elles ne sont pas suffisantes. Pour contribuer les agriculteurs à partir, l’État a mis en place un crédit d’impôt qui leur rembourse la moitié des frais du service de remplacement pour une durée de 10 jours.

Pour les agriculteurs, le principal frein pour partir en vacances est l’obstacle financier. Pour partir en vacances 8 jours, l’agriculteur doit verser 500 € au service de remplacement, payer la location de vacances et laisser les animaux et la ferme à une personne de confiance. Pour cela, le MODEF demande 3 semaines de congés payés pris en charge à 100 % par la MSA et l’État sans augmentation de cotisations sociales avec un service de remplacement compétent.

Être agricultrice et maman, être agriculteur et papa c’est un véritable parcours du combattant pour être remplacé. Le congé maternité devait être rallongé en 2019 pour les exploitantes agricoles en passant de 38 jours à 112 jours, or le Sénat s’est opposé à ce rallongement. Le MODEF s’indigne de cette décision car il est urgent de trouver des moyens humains et financiers pour permettre aux femmes et aux hommes de devenir parents en toute sérénité. Le MODEF exige une prise en charge à 100 % du congé maternité à 16 semaines pour toutes les femmes agricultrices et aussi un remplacement facilité pour le congé paternité.

Il est important que nos agriculteurs puissent vivre dignement avec un revenu décent mais aussi avoir une vie de famille, des loisirs et de partir en vacances, essentiel pour l’équilibre de chacun.

VII. Une retraite revalorisée à 1 200 €/mois

La pension moyenne de base des anciens chefs d’exploitation pour une carrière complète est en moyenne de 571€ net/mois hors RCO (Retraite Complémentaire Obligatoire). Cette pension figure parmi les plus faibles, elle est en moyenne inférieure de 38% à celle du régime général.

La situation des retraités agricoles est dramatique, ils ont de plus en plus de difficultés financières. Certains d’entre eux sont obligés de reprendre une activité professionnelle afin de payer les charges locatives, d’eau, de gaz, d’électricité, etc.

Le 7 mars 2018, les retraité(e)s agricoles se sont sentis trahis par le gouvernement qui a utilisé l’article 44-3 de la Constitution contre l’avis parlementaire. Ce « vote bloqué » est inacceptable pour nos anciens exploitants qui ont des pensions en dessous du seuil de pauvreté.

Cette proposition allait porter le minimum garanti pour les anciens chefs d’exploitation de 75% à 85% du SMIC net, soit 116 € par mois d’augmentation.

Les retraité(e)s, les paysans, les salarié(e)s subissent de plein fouet les augmentations du coût de la vie, l’augmentation du carburant, du forfait hospitalier, des cotisations des complémentaires santé, des assurances, la baisse des APL et l’augmentation de la CSG, la suppression de la demi-part pour les veuves et veufs, etc.

Le 16 mai 2018, le gouvernement a utilisé une nouvelle fois un coup de force antidémocratique en insérant plusieurs amendements, notamment en revalorisant le montant minimum à 5 % au 1er janvier 2020 soit 27€/mois.
Le MODEF est scandalisé par ce sabotage sachant que les retraités agricoles ont travaillé toute leur vie pour nourrir la population pour seulement percevoir
750 €/mois en moyenne avec la RCO, montant très en dessous du seuil de pauvreté.

Le Président de la République a fait le choix de privilégier une nouvelle fois les plus riches notamment en supprimant l’Impôt Sur la Fortune (ISF) plutôt que d’augmenter les faibles pensions de retraites agricoles d’une centaine d’euros pour les plus pauvres.
Le gouvernement a justifié son choix en indiquant qu’une réforme des retraites était prévue l’année prochaine.

La prochaine réforme (retraite par points) en 2020 s’annonce très libérale et injuste pour les paysans avec la création d’un système universel où un euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous, réforme totalement injuste, sachant que 40 % des exploitants gagnent 350 € par mois. Dans un régime par points, le montant des retraites n’est pas garanti.

En outre, le calcul du coefficient de conversion inciterait globalement à travailler plus longtemps, inacceptable quand on connait la pénibilité du métier.

Le MODEF porte-parole des exploitants familiaux est très attaché à la défense du système de protection sociale dont les grands principes sont issus du programme du Conseil national de la Résistance en 1945.

Notre syndicat mène une bataille avec acharnement depuis sa création sur la question des retraites. Le MODEF n’a pas ménagé sa peine dans les luttes pour une retraite minimum à 1 200€/mois pour les femmes et les hommes. Le MODEF dénonce avec force l’insuffisance de revalorisation et les inadmissibles inégalités entre conjoints, aides familiaux et chefs d’exploitation.

LES RETRAITES REVALORISÉES POUR TOUTES ET TOUS

Une retraite minimum à 1 200 €/mois pour une carrière complète, c’est-à-dire :

une retraite de base au niveau du seuil de pauvreté à 1 008 €

+ une attribution forfaitaire des points

= une retraite à 1 200 €/mois.

  • La suppression des 1,86% de CSG
  • Un minimum de points de base réévalués (actuellement il est de 23 points) et le MODEF demande de passer à 50 points,
  • Une hausse de points retraite pour les conjoints collaborateurs,
  • Revenir à une retraite à 60 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein,

La pension de réversion : le MODEF demande qu’elle soit égale à 75% sans plafonnement.

VIII. La souveraineté alimentaire, le défi de demain

Par définition la souveraineté alimentaire est le droit pour chaque pays et chaque peuple à produire sur son propre sol, les cultures vivrières destinées à satisfaire l’essentiel de ses besoins.

L’Agriculture française est aujourd’hui à l’aube d’un changement, les négociations de la PAC 2020, le raté de la loi Egalim, les importations de produits ne correspondant pas aux mêmes normes que les nôtres, sont de nombreux sujets d’inquiétude pour les acteurs du monde agricole.
Ajoutées à cela les négociations commerciales des accords de libre-échange avec les pays du MERCOSUR ou encore le CETA et le TAFTA, il est devenu évident « que les droits du peuple à une alimentation saine et culturellement appropriée produite avec des méthodes durables ainsi que le droit de définir leur propre système agricole et alimentaire » n’est pas la volonté du gouvernement actuel.
Ce qui est l’exact opposé de la Souveraineté alimentaire et surtout inacceptable.

Nous sommes dans un contexte de fracture entre le peuple et le gouvernement.
Pourtant dans ses propositions pour arranger la situation, le gouvernement a délibérément oublié le monde agricole.
Il n’est pas tolérable d’être ainsi mis à part, l’Agriculture doit être prête à mener ces combats.

Face à la montée d’un mouvement antispéciste de plus en plus violent envers les acteurs de la filière viande, avec notamment le saccage de boucherie ou encore la diffusion de montage vidéo dénonçant et généralisant la cruauté animale à tout le secteur.
Dernièrement, un mouvement largement relayé par les médias et les célébrités du monde entier s’en prend une fois de plus à la filière viande en voulant instituer un « Lundi Vert », jour sans consommation de produit d’origine animale. Il est inadmissible d’imposer ainsi un courant de pensée aussi étriqué au plus grand nombre et pourtant le gouvernement ne semble pas prêt à réagir.
L’exemple en a été avec la volonté d’imposer un repas végétarien par semaine dans les cantines scolaires, alors que la façon dont chacun souhaite s’alimenter est une liberté et ne doit pas être règlementée par une loi.

Pour que la souveraineté alimentaire française soit un défi réussi, le MODEF demande :

  • Une intervention de l’État pour faire cesser la guerre menée par les antispécistes,
  • L’interdiction des importations ne respectant pas les normes françaises,
  • Une politique de soutien aux protéagineux européens pour nourrir les élevages européens,
  • Une autonomie en légumineuses fourragères pour les exploitations d’élevage,
  • Le soutien réel à une Agriculture de proximité et à l’Agriculture Biologique à taille humaine,
  • Des moyens pour une recherche publique à la hauteur des enjeux et qui accompagnent une Agriculture non productiviste et durable,
  • Un soutien de l’élevage en zone de montagne et aux zones de handicap naturel,
  • Une diversification des exploitations permettant une meilleure stabilité économique,
  • Une règlementation plus souple pour utiliser, échanger et vendre les semences de ferme,
  • Des politiques accompagnant les Techniques Culturales Simplifiés (TCS) qui sont des facteurs d’amélioration des sols et de réduction des coûts de production,

Demander le contrôle et la traçabilité des semences importées.

IX. Valoriser les produits agricoles par les circuits courts

On constate que de plus en plus d’agriculteurs font le choix de commercialiser leurs produits via les circuits courts. Il y a plusieurs façons de commercialiser ces produits de manière individuelle (foires, marchés, paniers, vente à la ferme…), de manière collective avec des engagements comme les AMAP, et enfin avec des collectifs de producteurs (magasins de producteurs, marchés paysans…).
La vente directe permet aux agriculteurs une diversification de leurs sources de revenus car la valorisation des produits est plus importante que par les circuits longs. Les circuits courts favorisent les liens sociaux, les agriculteurs ne sont plus dans des situations d’isolement. La notoriété, la réputation et la reconnaissance de la profession contribuent à l’image plus positive du milieu agricole en général.
Les circuits courts sont bénéfiques pour l’environnement, il n’y a pas de suremballages des produits, des exploitations sont maintenues en périphérie des agglomérations (ceinture verte). Les exploitations sont dans un schéma d’Agriculture familiale.
À l’époque actuelle, il y a une volonté de consommer mieux. Pour cela les consommateurs décident d’acheter plus local, beaucoup ont perdu confiance en la grande distribution, à la suite de crises sanitaires. Il y a donc tout intérêt à favoriser les circuits courts que ça soit en Agriculture raisonnée ou en Bio.

Nos revendications :

Installations 

  • Le MODEF demande que les porteurs de projets en circuits courts soient mieux accompagnés dans la réalisation de leurs PPP,
  • Que les Chambres d’Agriculture proposent des formations gratuites aux agriculteurs qui souhaitent perfectionner leurs marketings, la gestion des magasins de producteurs, etc….

Le MODEF demande qu’un appui beaucoup plus important soit mis en place par les services de l’État, les organisations agricoles pour faciliter les installations en circuits courts, la commercialisation des produits mais aussi une simplification des démarches administratives.

Enseignement

  • Nous souhaitons aussi que des modules scolaires dans l’enseignement agricole soient mis en place pour permettre aux jeunes de découvrir les circuits courts, d’apprendre les méthodes de gestion, etc. Car actuellement dans le cursus scolaire, on parle très peu de ces moyens de commercialisation.

Service de remplacement 

  • Il est aussi important que le profil des salariés du service de remplacement évolue, car nous avons de plus en plus d’exploitations en vente directe, mais il y a peu de personnes formées sur tout ce qui est transformation notamment fromagère.

Les Territoires

  • Les territoires doivent s’impliquer d’avantage pour que les agriculteurs puissent nourrir la population, en ouvrant des magasins de producteurs par exemple,
  • Il serait primordial aussi que les collectivités consomment des produits locaux, pour des raisons sanitaires et financières beaucoup d’entre elles ont recours aux produits ultra-transformés. Les enfants d’aujourd’hui sont les consommateurs de demain, il est important que nous trouvions des solutions pour que ces enfants bénéficient d’un « retour à la terre » (visite scolaire à la ferme, journées pédagogiques, etc.). Nous devons faire en sorte que les enfants n’aient pas uniquement l’image des fermes usines.

X. La PAC au service des exploitants familiaux

La commission européenne a présenté le 1er juin 2018 sa proposition législative pour la réforme PAC post 2020 avec une forte baisse du budget PAC, une flexibilité des États membres d’utiliser les financements et une dégressivité et plafonnement des aides directes. Pour le MODEF, il est urgent que la France et l’Europe mettent en place une Politique Agricole Commune qui sécurise les paysans avec objectifs principaux la souveraineté et la sécurité alimentaire et qu’elles cessent de tuer les exploitants familiaux en revenant sur les marchés aux traités de libre-échange.

Pour la première fois depuis la mise en place d’un budget européen à la fin du cadre 2021-2027, la PAC ne sera plus la première politique européenne en volume budgétaire. Le budget européen augmente de 6 % en euro constants 2018 au détriment du budget PAC. La commission européenne a annoncé une enveloppe budgétaire de 365 milliards d’euros pour la période 2021-2027, soit une baisse de
17 % en euros constants 2018 du budget européen et une baisse de 24 % entre 2007 et 2027. La France reste le premier bénéficiaire de la PAC en volume mais elle supportera également une baisse importante de 4,82 % sur la période 2021-2027.

Le MODEF refuse la baisse du budget annoncée pour le monde agricole et rural sachant que sans subvention, 60 % des exploitations auraient un résultat courant avant impôt (RCAI) négatif contre 15 % après prise en compte des subventions. Le MODEF considère que les propositions de la commission sur le budget PAC feront baisser le revenu des paysans. Ramené au citoyen européen, le budget de la PAC équivaut à une dépense de 30 centimes par jour.

Pour rappel, l’objectif premier de la PAC visait à assurer des revenus équitables et stables aux producteurs. Certains élevages sont particulièrement dépendants des aides : 86 % des élevages en bovins viande et 77 % des élevages ovins auraient eu des résultats négatifs en l’absence de subventions. En France, les aides directes représentent 46 % du revenu des paysans et elles dépassent 100 % des revenus des élevages bovin et ovin et plus de 40 % des revenus dans les céréales. Hors aides publiques, la valeur ajoutée dégagée par les exploitations agricoles serait négative pour 25 % des exploitations en France et 30% en Europe.

Phil HOGAN a annoncé « les États membres disposeront de plus de flexibilité dans l’utilisation de leurs allocations de financement, ce qui leur permettra de concevoir des programmes sur mesure répondant le plus efficacement aux préoccupations des agriculteurs et des communautés rurales au sens large. » En contrepartie, chaque État membre devra proposer et faire valider à la commission « un plan stratégique » avec 9 objectifs communs couvrant toute la période 2021-2027. La France devra proposer des mesures pour « assurer un revenu équitable aux agriculteurs », « accroître la compétitivité », « améliorer le fonctionnement de la chaîne alimentaire », « action contre le changement climatique », « préserver l’environnement », « préserver paysages et biodiversité », « renouvellement générationnel », « dynamisme des zones rurales » et « répondre aux attentes sociétales (alimentation, santé et qualité) ». Le France devra notamment consacrer au moins 30 % de son budget de développement rural à des mesures environnementales et climatiques. À l’échelle européenne, 40 % du budget global de la PAC devrait contribuer à l’action climatique.

Les États membres peuvent transférer jusqu’à 15 % de leur allocation de la PAC entre les paiements directs et le développement rural et vice-versa afin de garantir les priorités de chaque État membre. En plus de la possibilité de transférer 15 % entre les piliers, les États membres auront également la possibilité de transférer 15 % supplémentaires du 1er pilier au 2eme pilier pour les dépenses relatives aux mesures climatiques et environnementales.

Pour le MODEF, la prochaine PAC doit remettre au cœur l’objectif de dégager un revenu pour les exploitants familiaux par des prix agricoles rémunérateurs, une régulation des marchés et une maîtrise des productions. Sans paysan, il n’y a pas d’alimentation. Aux prix agricoles volatiles et souvent trop bas doivent succéder des prix justes garantis par l’État, qui permettent aux paysans de vivre dignement de leur travail et de retrouver confiance dans l’avenir de leur métier. Le syndicat des exploitants familiaux exige une répartition des aides vers les petites et moyennes exploitations notamment par une augmentation de l’enveloppe nationale du paiement redistributif.

La commission propose une réduction des paiements à partir de 60 000 € et le plafonnement des paiements directs supérieurs à 100 000 € par exploitation. Les coûts de main-d’œuvre seront pleinement pris en compte. Le MODEF exige un plafonnement obligatoire des paiements directs, qui prend en compte le travail à
75 000 € par actif avec la mise en place d’une dégressivité à partir de 50 000 € par actif. Le MODEF craint que la mesure annoncée par la commission favorise les grosses exploitations notamment les exploitations employant beaucoup de main d’œuvre salariale. Pour éviter les dérives, le MODEF propose que la transparence des GAEC soit prise en compte dans les coûts de main d’œuvre et que la masse salariale soit plafonnée à 1 salarié (e) par exploitation.

Les États membres pourront allouer un maximum de 10 % de leurs paiements directs au soutien du revenu couplé (les aides couplées liés aux productions) avec un supplément de 2 % pour soutenir les cultures de protéines.
Concernant les aides couplées pour la période 2014-2020, l’enveloppe budgétaire était de 15 % au lieu de 12 % pour la période 2021-2027. Les exploitations d’élevage vont être impactées directement par cette baisse de 3 % des aides couplées sachant que les éleveurs ont les plus faibles revenus agricoles. Le MODEF tire la sonnette d’alarme et exige une obligation d’orienter les aides en faveur de l’élevage et le maintien de l’enveloppe à 15 %.

Les États membres devront mettre de côté au moins 2 % de leur allocation de paiements directs pour aider les jeunes agriculteurs à s’installer. Le MODEF avait défendu lors de la dernière PAC 2014-2020, une enveloppe nationale à 2 % (actuellement 1 %) afin de favoriser l’installation de jeunes sur les territoires sachant que le nombre d’installations en 10 ans a chuté de 26 % en France.

Un nouveau système appelé « Eco-schème », financé par les allocations nationales de paiements directs, sera obligatoire pour les États membres, bien que les agriculteurs ne soient pas obligés de les rejoindre. Ces écosystèmes devront aborder l’environnement de la PAC et les objectifs climatiques. Un exemple pourrait être un écosystème pour financer l’utilisation zéro engrais afin d’améliorer la qualité de l’eau.

Les États membres seront également en mesure d’offrir aux petits agriculteurs une somme ronde par an. Il appartiendra à chaque État membre de définir comment classer les petits agriculteurs car le secteur agricole de chaque pays est différent. Le MODEF se félicite de cette mesure, d’ailleurs il avait contribué à la mise en place de la surprime des 52 premiers hectares lors de la dernière PAC. Sous la pression de la FNSEA, l’enveloppe du paiement redistributif est bloqué à 10 % soit 52 €/ha au lieu de 20 % en 2018 soit 104 €/ha. Défendant l’emploi et le maintien d’un maximum d’exploitations familiales en France, le MODEF sera vigilant afin que ce « soutien au revenu redistributif » soit destiné aux petits et moyens exploitants.

Les États membres peuvent consacrer jusqu’à 3 % de leur budget du premier pilier à des interventions sectorielles. Ces programmes aideront les producteurs qui se regroupent par le biais d’organisations de producteurs à prendre des mesures communes en faveur de l’environnement ou à favoriser une meilleure position dans la chaîne alimentaire.

Le MODEF poursuivra son combat pour obtenir une redistribution des aides plus équitable afin de majorer celles des petites et moyennes exploitations et contrer l’action de lobbying menée par l’agro-finance et soutenue par les syndicats majoritaires. Ces derniers étant opposés à toutes mesures qui réduiraient le montant des aides perçues par les grosses exploitations.

XI. L’avenir des paysans et de notre syndicat

Le MODEF doit préparer activement l’avenir des paysans et aussi de son syndicat. Le MODEF veut une Agriculture diversifiée et des agriculteurs présents sur l’ensemble du territoire.

Le MODEF depuis 60 ans est un syndicat reconnu pour sa combativité, pour sa constance dans les valeurs qu’il défend, son honnêteté dans la défense des petits et moyens exploitants.

Aujourd’hui encore, en dépit du recul de son influence syndicale et d’un nombre insuffisant de militants dans de nombreux départements, le MODEF demeure le syndicat qui mène le plus d’actions ciblées, notamment contre la grande distribution

Depuis 20 ans, notre implantation dans les départements recule même si nous avons créé des nouvelles fédérations comme Mayotte, la Haute-Vienne, l’Indre et nous avons renforcé notre présence en Guadeloupe et dans le Puy-de-Dôme.

Notre travail consiste à trouver des militants qui acceptent de prendre des responsabilités pour implanter le MODEF là où il n’est plus présent. Les exploitants familiaux que nous défendons sont de moins en moins disponibles tant ils sont surchargés de travail sur leur exploitation et ont du mal à dégager du temps pour militer.

Pourtant quand on va à leur rencontre, ils nous écoutent, ils nous soutiennent, ils partagent nos idées. La situation est plus propice que jamais pour aller les rencontrer. Plus que jamais les petits et moyens exploitants ont besoin d’un syndicat comme le MODEF pour les écouter, pour les défendre et lutter ensemble.

Le Comité Directeur rajeuni et féminisé qui a été élu ce matin aura en charge de faire vivre notre organisation à tous les niveaux du local au national sur les valeurs que je viens d’énoncer si le Congrès en est d’accord.

Le Comité Directeur devra en premier impulser les luttes, les actions sur le terrain car sans elles il n’y aura pas d’avancées et il nous faudra chaque fois rechercher l’action unitaire si on veut arriver à renverser le rapport de force.

Rappelons que le Comité Directeur du MODEF National est, entre deux Congrès, l’organe dirigeant de notre Confédération, le Bureau National qui sera par la suite élu par ce Comité Directeur sera l’organe exécutif qui devra mettre en œuvre les décisions prises et assurer la gestion courante de l’organisation.

Lors de ce 18ème Congrès et sur les trois prochaines années, nous avons à travailler sur ces propositions suivantes, par exemple :

  • Se rassembler et agir pour assurer un revenu décent aux agriculteurs
  • Organiser des actions pour être entendus
  • Remobiliser le monde paysan dans l’action syndicale
  • Être présent pour accompagner les agriculteurs
  • Toujours et encore combattre le système ultra-productiviste
  • Participer activement à la nécessaire transition écologique
  • Accompagner les jeunes dans leurs projets d’installation
  • Promouvoir des productions de qualité et une diversification
  • Ouvrir notre organisation à tous ceux qui sont porteurs d’idées nouvelles à de nécessaires transformations du métier de paysan
  • Développer les circuits courts, organiser des ventes de produits au juste prix
  • Dénoncer les marges abusives de la grande distribution et de l’agroalimentaire
  • Combattre les importations à outrance dangereuses pour la santé publique
  • Maintenir le tissu rural avec de nombreux agriculteurs et en installant des jeunes
  • Participer activement à la vie du territoire
  • Redynamiser les fédérations départementales et régionales du MODEF
  • Organiser des fêtes agricoles dans tous les départements.