Pour une politique de l’eau

Les Assises de l’Eau lancées par le Président de la République se sont conclues le 1er juillet 2019 lors d’une conférence de presse au ministère de la Transition Ecologique et solidaire, avec 23 actions réparties en trois objectifs : protéger les captages d’eau potable, économiser et mieux protéger l’eau, préserver nos rivières et nos milieux humides.

La gestion des ressources en eau et son utilisation sont un véritable enjeu de société à court et long termes, les besoins sont de plus en plus importants et la qualité ne cesse de se dégrader. Sur 5 litres d’eau potable injectés sur les réseaux, plus d’un litre est perdu avant la consommation.

Le changement climatique renforce les tensions sur les ressources en eau et affectera à terme l’ensemble des écosystèmes, des territoires et des acteurs. Avec l’augmentation des températures, la baisse des précipitations en été et la diminution de l’enneigement, les débits moyens des cours d’eau pourraient être réduits de 10% à 40% d’ici un demi-siècle selon les simulations, et plus encore en période de basses eaux (étiage). La recharge des eaux souterraines sera également impactée et les milieux aquatiques seront rendus particulièrement vulnérables. Avec une disponibilité de la ressource réduite et plus aléatoire, la satisfaction des usages de l’eau pourrait être compromise, avec des conséquences majeures pour les activités qui en dépendent (production électrique, irrigation, alimentation en eau potable, …) et pour le fonctionnement des sociétés humaines.

L’eau au cœur des préoccupations

Pour répondre aux 3 objectifs, le Gouvernement souhaite donner davantage de moyens aux collectivités locales, développer des outils de gestion d’eau sur l’ensemble du territoire et favoriser les changements de comportement par une communication adaptée.

Protéger les captages d’eau potable

Le Gouvernement renforce la protection des captages d’eau, en donnant aux collectivités les moyens de favoriser des pratiques agricoles durables, qui préservent la ressource. En particulier, il instaure un droit de préemption aux collectivités locales sur les terres agricoles situées sur les zones de captages d’eau potable.

Le plan d’actions compte aussi protéger les 1000 captages prioritaires à l’aide d’un plan d’actions spécifique à chacun d’ici fin 2021, contre seulement 500 aujourd’hui. La profession agricole s’engagera à réduire les pollutions diffuses sur au moins 350 captages prioritaires d’ici 2022. Et 20 territoires expérimenteront des paiements pour services environnementaux en récompense de pratiques agricoles qui protègent les ressources en eau dès 2020.

Économiser et mieux protéger l’eau

Les ressources en eau sont impactées par le réchauffement climatique. L’objectif est de faire émerger de nouveaux modèles de gestion de l’eau pour que chacun puisse continuer avoir accès à cette ressource vitale dans les années à venir. Dès lors, il faut travailler à plus de sobriété afin d’assurer un partage équitable entre les différents usages. Le gouvernement fixe donc un objectif de réduction des prélèvements d’eau de 10 % d’ici 5 ans et de 25 % d’ici 15 ans. Entre autres, le plan d’actions compte favoriser le déploiement de tarifications incitatives aux économies d’eau. En plus, il intégrera des mesures d’économies d’eau dans la future règlementation environnementale des bâtiments neufs en 2022. Enfin, il vise l’élaboration d’une cinquantaine de projets de territoire pour la gestion de l’eau d’ici 2022 et d’une centaine d’ici 2027.

Préserver nos rivières et milieux humides

Rivières, fleuves, plans d’eau, milieux humides, estuaires, milieux littoraux et eaux souterraines : les écosystèmes aquatiques sont nos alliés pour réduire l’impact des risques naturels (inondations, érosion des sols, sécheresse…), qui s’intensifient à cause du dérèglement climatique. Ils jouent un rôle majeur dans la régulation du climat puisqu’ils permettent de retenir l’eau, nous protégeant ainsi des crues et des sécheresses. Le plan d’actions souhaite donc restaurer 25 000 km de cours d’eau d’ici 2022 et doubler la superficie des aires protégées contenant des milieux humides d’ici 2030. Les Agences de l’eau consacreront 5,1 milliards d’euros d’aides entre 2019 et 2024 pour les actions en faveur de l’adaptation au changement climatique. Et l’enveloppe de 2 milliards d’euros consacrée aux « Aquaprêts » de la CDC/Banque des territoires – des prêts à un taux égal au livret A + 0,75% sur des durées de 25 à 60 ans – sera étendue aux projets de restauration des cours d’eau et des milieux humides.

Améliorer les ressources en eau

Le MODEF comme la plupart des citoyens est conscient que l’eau est une ressource naturelle vitale et qu’à ce titre, elle ne peut être assimilée à une marchandise et doit être considérée comme patrimoine de l’humanité.

Du fait des changements climatiques induits par l’activité humaine, la France subit depuis deux décennies des périodes de sécheresse qui alternent avec de violents orages provoquant dans certaines régions des inondations catastrophiques. Les agriculteurs subissent de plein fouet les effets de ces changements climatiques par des baisses de rendements importantes lors des sécheresses et par destruction des cultures lors des inondations ou orages qui affectent directement le revenu de leur travail.

Les 23 actions des assises de l’eau sont très réglementaires et manquent d’ambition pour lutter contre le réchauffement climatique. Ces assises ne sont pas à la hauteur des attentes des paysans et bien loin des enjeux agricoles. Sans changement d’orientation de l’Agriculture les objectifs qualitatifs de l’eau fixés par le Gouvernement ne pourront pas être atteints, ce qui ne pourra qu’aggraver les conflits d’usage sur ce bien commun de l’humanité.

Le MODEF considère que le principe pollueur-payeur n’est pas adapté à l’Agriculture. Les petits et moyens exploitants sont ceux qui par leur système d’exploitation génèrent le moins de pollution et sont les moins utilisateurs d’eau d’irrigation.

Une agriculture propre et économe en eau a un coût qui n’est pas pris en compte dans les prix des produits agricoles. L’Agriculture utilise moins de 5 % des volumes produits par les pluies annuelles. Le seul problème est le déséquilibre entre périodes de pluies et de sécheresse d’où la nécessité de créer des réserves nouvelles de stockage.

Il y a deux irrigations agricoles, celle pour une agriculture durable, servant de sécurité pour un minimum de production et celle ultra productiviste visant une augmentation de la production toute l’année. L’irrigation doit être considérée comme une assurance sécheresse pour compenser le déficit en eau, plutôt que comme moyen de produire plus. La priorité de l’utilisation des ressources doit aller aux eaux de surfaces telles que lacs et réserves collinaires, nappes superficielles, cours d’eau (fleuves, rivières, ruisseaux). Le MODEF est défavorable à l’utilisation des nappes profondes qui ne se reconstituent que très lentement, cette eau potable doit être réservée à l’utilisation humaine et animale.

Le MODEF est attaché au respect des ressources naturelles notamment la préservation de l’eau. Mais le maintien d’une activité agricole y compris durable, économiquement pérenne, dans notre territoire, suppose des disponibilités en eau pour sécuriser les quantités produites et favoriser la diversification des cultures. Le MODEF rappelle qu’il s’est toujours battu pour une politique de création de retenues d’eau. Retenir l’eau l’hiver pour pouvoir l’utiliser en période sèche relève du bon sens, si l’irrigation est raisonnée et raisonnable.

Projet de loi relatif à l’énergie et au climat

La neutralité carbone, un objectif difficile à atteindre pour 2050

Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat vise à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050, réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 40 % en 2030 et de réduire la part nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2035.

Il faut radicalement transformer un système énergétique reposant à 80 % sur trois sources fossiles : charbon, pétrole et gaz. 30 ans c’est peu pour y parvenir pour se rapprocher de la neutralité carbone. Pour cela, l’Agriculture devra opérer des mutations plus profondes afin que nos paysans puissent être accompagnés dans les différents changements de pratiques et à freiner les émissions à gaz à effet de serre.

Pour constituer des réserves suffisantes de puits carbone, il faudrait stopper l’artificialisation des terres agricoles (extension de l’habitat, des routes, des parkings) qui grignotent chaque année de l’ordre de 80 000 hectares de terres agricoles soit l’équivalent de la surface agricole moyenne d’un département en 4 années ! Les terres agricoles ont perdu 6,9 % de leur surface en trente ans soit environ 2 millions d’hectares. Le MODEF affirme que ces pertes de surfaces agricoles ne sont pas acceptables et tout doit être mis en œuvre pour stopper cette érosion afin de préserver la biodiversité et de limiter les gaz à effet de serre. L’implantation des énergies renouvelables grignotent également des terres agricoles comme par exemple la mise en place d’une éolienne c’est plus de 2 000 m2 de terrain. Le MODEF n’est pas opposé aux énergies renouvelables mais il souhaiterait que celles-ci soient localisées dans des friches industrielles (zone industrielle abandonnée, terrain militaire …).

En France, de nombreux terrains agricoles sont laissés à l’abandon et sans entretien. Les friches agricoles présentent un vrai risque en cas de feu de forêt, elles s’enflamment très vite. Aujourd’hui, dans le Lot et Garonne il est recensé 13 000 hectares de friches agricoles. Idem pour le département de l’Aude mais le Préfet du département a lancé depuis un an une lutte contre les friches agricoles. Le MODEF souhaite que les friches agricoles soient réhabilitées en terre agricoles et que la spéculation foncière soit stoppée, première cause de développement des friches dans les territoires.

L’Agriculture dégage des émissions à effet de serre par le méthane (CH4) via la fermentation entérique, la gestion des effluents et la riziculture ; le protoxyde d’azote (N2O) via les apports d’azote sur les sols agricoles et le dioxyde de carbone (CO2) via les consommations d’énergie et d’intrants ainsi que la combustion de biomasse. L’Agriculture et la forêt sont capables d’absorber et de séquestrer du CO2 atmosphérique par le biais de la photosynthèse sous forme de carbone organique dans la biomasse et les sols. Si ce carbone est séquestré suffisamment longtemps, on considère que ce CO2 piégé atténue l’effet de serre par le biais de la forêt, des zones humides, des prairies …. À contrario, des facteurs humains (urbanisation, déforestation …) ou naturels (tempêtes, incendies …) peuvent déstocker ce CO2 entraînant une augmentation du gaz à effet de serre. Enfin l’Agriculture et la forêt fournissent de la biomasse pour substituer de l’énergie ou des matériaux fossiles, ce qui permet aux secteurs de limiter leur impact sur l’effet de serre.

L’Agriculture familiale diversifiée joue un rôle dans l’absorption du CO2 et le maintien d’écosystèmes favorisant la biodiversité. Une prairie entretenue et pacagée compense 80 % des gaz émis par les vaches et participe à les nourrir. Les systèmes polycultures-élevages ou les territoires agricoles diversifiés sont les plus à même de relever le défi de la réduction des gaz à effet de serre. L’entretien des espaces boisés, des haies, des prairies permettent le captage de quantités formidables de CO2.

L’Agriculture peut agir à différents niveaux sur la lutte contre l’effet de serre : optimiser les intrants, maîtriser les émissions, accroître les stocks de carbone dans les sols, diversifier les cultures et développer les énergies renouvelables.

Les pratiques agroécologiques sont un levier pour réduire les émissions de gaz à effet de serre notamment en introduisant des légumineuses, des techniques culturales sans-labour, la fertilisation organique, la gestion optimisée des prairies ou de l’agroforesterie.

Le MODEF se doit d’encourager toutes les alternatives qui peuvent participer à l’émergence d’Agricultures durables à plus au moins long terme. Pour cela, il est indispensable que le gouvernement puisse donner des moyens financiers et de développer la recherche publique afin de développer ces nouvelles pratiques induisant des modifications importantes des systèmes et des risques pour les agriculteurs.